Inflation et barème de capitalisation. Les calculs des assureurs jugés erronés

FreeImages.com/Sergio Roberto BicharaLe barème de capitalisation est un outil de calcul, utilisé par les avocats, les magistrats, les compagnies d’assurances, le Fonds de Garantie, pour capitaliser les préjudices patrimoniaux futurs des victimes (c’est-à-dire pour placer de l’argent pour un usage ultérieur). Si les avocats et les juridictions utilisent le barème de la Gazette du Palais (le premier date de 2004, le dernier de 2013), les assureurs en utilisent un autre, moins favorable aux victimes.

Le choix du barème influe fortement sur le montant final de l’indemnisation. Il est souvent discuté entre avocat de victime et assureur, que ce soit en amiable ou devant une juridiction. Dans ce dernier cas, c’est le juge qui tranche sur l’application du barème. Ainsi, si le barème publié en 2011 avait reçu des critiques des assureurs lors de sa publication, il avait été finalement « adopté » par de nombreuses juridictions.

Depuis la publication, en mars 2013, du barème de la Gazette du Palais actualisé pour l’adapter à la conjoncture économique (rendement des placements et renchérissement du coût de la vie) et à l’évolution de la durée de la vie, les juridictions ont eu l’occasion de se prononcer sur l’application de ce nouveau barème. Certaines juridictions ont été confrontées aux arguments critiques des assureurs visant à rejeter l’application de ce nouveau barème. La Cour de cassation a ainsi été récemment amenée à trancher face aux arguments d’un assureur contestant le recours à un taux d’inflation dans le barème de 2013.

La Cour de cassation a en effet été saisie par le conducteur d’un véhicule responsable d’un accident et par son assureur. Ils s’opposaient au recours à un taux d’inflation et au barème de capitalisation publié en mars 2013 par la Gazette du Palais. Leur argumentation partait du constat d’une part qu’un dommage est actuel et certain et d’autre part que « seul est indemnisable le préjudice ayant un lien de causalité direct avec le fait dommageable ». Par conséquent, ils remettaient en cause le recours à un taux d’inflation, en pointant deux caractéristiques de l’inflation. Celle-ci est par définition future, éventuelle et hypothétique. L’inflation est « sans lien de causalité directe avec le dommage », car elle n’est que susceptible de survenir après le jugement.

La Cour de cassation balaie ces arguments et rejette le pourvoi, ce dont on ne peut que se réjouir. Elle approuve l’application par les juges du fond du barème de capitalisation « qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités » de la « réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit », « pour le futur » (arrêts Cass. 2e civ. 10 décembre 2015, nos 14-27243 et 14-27244). Ce faisant, la Cour de cassation valide l’utilisation par les juges du fond de barèmes de capitalisation (à ne pas confondre avec les référentiels d’indemnisation) et, surtout, de celui publié en 2013 (déjà validé par plusieurs juridictions du fond). Si elle ne vise pas expressément ce barème, elle y fait référence dans les moyens du pourvoi et l’évoque comme étant le barème « adapté ».

Espérons que les juridictions du fond appliqueront donc ce barème de capitalisation, le plus adapté, car conçu par un actuaire et un expert judiciaire. Les barèmes concurrents (barèmes antérieurs ou ceux des assureurs) ne sont pas aussi pertinents pour assurer une réparation juste et intégrale pour la victime.