Sur les pratiques déloyales des compagnies d’assurances

FreeImages.com/Jelmer RozendalLes compagnies d’assurances font preuve d’inventivité pour garder la mainmise sur un dossier et faire comprendre à la victime qu’elle ne doit avoir confiance qu’en sa compagnie d’assurances. Elles déploient beaucoup d’énergie à faire en sorte que leurs clients ne mandatent pas d’avocat et n’aient pas recours à des experts indépendants. Elles cherchent ainsi à ce que l’évaluation des préjudices se fasse a minima, sans intervention extérieure aux côtés de la victime. Elles espèrent aussi que, sans l’aide d’un avocat, les victimes finissent par se lasser et arrêtent leurs démarches ou ne parviennent pas à envoyer les bonnes pièces justifiant des préjudices.

Voici trois façons de faire des compagnies d’assurances, que j’ai souvent observées au contact des victimes.

1) Décourager activement les victimes de mandater un avocat

Il est d’usage que l’avocat fraichement mandaté par une victime écrive à la compagnie d’assurances de cette dernière afin de l’informer de son intervention. À réception d’un tel courrier, certains gestionnaires de compagnies s’évertuent alors à décourager la victime de prendre un avocat. Ils l’appellent pour lui faire croire que cela engendrera des frais importants et ralentira l’avancement du dossier. D’autres gestionnaires laissent faussement entendre que la désignation d’un avocat entraînera nécessairement l’arrêt de toute procédure amiable.

Certaines compagnies privilégient le support écrit pour faire renoncer l’assuré. Un client m’a ainsi transmis un courrier dont la teneur était la suivante :
« Vous avez engagé un avocat pour engager une procédure… j’attire votre attention sur l’incertitude de toute décision de justice, soumise à l’appréciation des seuls magistrats, et sur les éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à votre encontre (en cas d’issue défavorable). (…) Le choix de l’avocat qui vous représentera vous appartient et je vous remercie de nous le préciser par écrit. (…) Il conviendra d’aborder dès votre premier entretien, la question de sa rémunération et de solliciter l’établissement d’une convention d’honoraires. (…) Nous restons à votre disposition ».

2) Décourager indirectement en ignorant l’avocat et en écrivant seulement à la victime

Ignorer les courriers de l’avocat est aussi une technique utilisée par les compagnies d’assurance afin de persuader la victime qu’il est inutile de prendre un avocat. En effet, pensant que son avocat ne prend pas en main les échanges avec la compagnie d’assurances, la victime pourrait en conclure, à tort, que son dossier n’avance pas plus vite avec un avocat.

3) Faire croire aux victimes que le médecin-conseil de la compagnie d’assurance est indépendant

Un médecin-conseil travaille à la demande d’une compagnie d’assurances. Elle le rémunère. Il ne saurait donc être considéré comme indépendant ou impartial. Pourtant, lorsqu’une compagnie d’assurances met en place une expertise médicale amiable (suite à un accident de la circulation par exemple), j’ai constaté qu’elle informe souvent la victime qu’elle « sera examinée par le Docteur X, qui est extérieur à la compagnie » et « exerce son activité en toute indépendance ». De même, nombre de médecins de compagnie d’assurances mentionnent dans leur rapport d’examen médical « examen réalisé en toute indépendance ».

Pourquoi ces propos tenus par les compagnies sont-ils faux ? Pourquoi pourrait-on parler de pratiques abusives ?

Tout d’abord, la désignation d’un avocat n’interrompt pas la procédure amiable. En effet, celui-ci peut poursuivre une procédure amiable s’il considère que c’est dans l’intérêt de son client. Toutefois, il n’hésitera pas à engager une procédure judiciaire si la poursuite d’une procédure amiable s’avère au contraire être en défaveur de son client.

Ensuite, la présence d’un avocat raccourcit la durée des procédures. Il sait transmettre les bonnes pièces pour permettre la constitution rapide et complète du dossier. Et si la procédure amiable ne progresse plus, il continuera à écrire à une compagnie d’assurances ou l’assignera en justice.

Enfin, l’indépendance d’un médecin-conseil face à une compagnie d’assurances est impossible, puisqu’elle le rémunère. Ils ne vont pas rendre des décisions qui pourraient être considérées comme trop défavorables par les compagnies d’assurances, car celles-ci arrêteraient de travailler avec lui.

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L’avocat cherche à obtenir la meilleure indemnisation possible pour son client, car il a été désigné pour défendre ses intérêts. Au contraire, le gestionnaire de la compagnie d’assurances, salarié de la compagnie d’assurances, défend les intérêts de celle-ci. L’intérêt de la compagnie d’assurances est de perdre le moins d’argent possible. La compagnie profite du fait que la victime non assistée par un avocat n’a aucune idée de la « justesse » des montants proposés. Par exemple, avant de rentrer en contact avec moi, une de mes clientes s’était vue proposer par sa compagnie d’assurances la somme de 60 000 € à titre d’indemnisation définitive. Au terme d’une procédure amiable de cinq ans, j’ai obtenu une indemnisation bien supérieure, de 550 000 €. Ainsi, la désignation d’un avocat rééquilibre le rapport de force qui avait pu s’instaurer entre la compagnie d’assurances et la victime.