Obtenir d’une assurance le remboursement du médecin-conseil

freeimages.com/Kate GelmanUn arrêt récent me permet de revenir sur la question du remboursement des frais de technicien (médecin-conseil, ergothérapeute, architecte) réglés par une victime dans un cadre indemnitaire, question que j’ai déjà abordée par ailleurs dans le cas d’une indemnisation partielle.

Ces derniers temps, dans plusieurs dossiers pour lesquels j’ai transigé en amiable, je me suis heurtée à des compagnies d’assurances refusant de rembourser intégralement les frais de médecin-conseil, et ce malgré la production de factures acquittées. Or ces frais doivent être intégralement remboursés à la victime, qu’il s’agisse d’ailleurs de frais exposés en expertise amiable préparatoire comme en expertise judiciaire (voir Cass. Civ 2e arrêt du 22 mai 2014 n° 13.18-591). Le remboursement ne doit être discuté ni par la compagnie d’assurances ni par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Le refus de prise en charge des frais de médecin-conseil est donc surprenant, tant la jurisprudence est claire sur le sujet. Mais les compagnies d’assurances ne tiennent pas cela pour acquis. C’est en cela qu’un nouvel arrêt de la Cour de cassation (Civ 1re 22 mai 2019 n° 18-14063) peut constituer une ressource supplémentaire, s’ajoutant à d’autres décisions, pour faire plier les compagnies et les forcer au paiement du montant intégral des sommes engagées.

La Cour de cassation s’est ainsi penchée sur le cas d’une femme ayant reçu des soins en orthodontie en 2007 et 2008 et, présentant des troubles par la suite, ayant assigné l’orthodontiste en responsabilité et en indemnisation. Dans le cadre de la procédure, elle était assistée par un médecin-conseil dont elle a payé les honoraires. La cour d’appel a fixé le montant des frais d’assistance à une somme de 3 750,48 €, inférieure à celle résultant des factures versées aux débats. En effet, les documents produits par la victime faisaient état d’un montant de 4 000,48 €. La Cour de cassation a estimé que la cour d’appel avait « dénaturé ces factures et violé le principe susvisé ».

En droit, la dénaturation « est le fait, pour le juge du fond, de faire dire à un acte clair et précis autre chose que ce qui résulte d’une lecture de l’acte. (…) Le contrôle suprême de la dénaturation des éléments de preuve a une utilité : celle de sanctionner la déformation des faits et preuves par les juges du fond, déformation qui peut conduire à une mauvaise appréciation en droit »[1]. La dénaturation ne concerne ainsi pas les faits, mais les actes et documents. Dans le cas ci-dessus, puisque les frais exposés par la victime étaient supérieurs à la somme allouée par les magistrats de la cour d’appel, ces derniers ont dénaturé les documents qui leur étaient soumis. La Cour de cassation a donc logiquement sanctionné la cour d’appel pour avoir nié l’évidence.

 

[1] Répertoire de procédure civile Dalloz (551-553)- Auteur Frédérique Ferrand