Contester les conclusions du médecin expert judiciaire

FreeImages.com/McKenna PEn matière de dommage corporel, les tribunaux font appel à des experts judiciaires, souvent des médecins, pour les aider à évaluer l’étendue des dommages et à estimer les préjudices. Mais face à ces experts qui font autorité dans leur discipline, les juges ou les victimes disposent-elles de marges de manœuvre pour remettre en cause leurs conclusions médicales ? Un arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la 1re chambre civile de la Cour de cassation (non publié par la Cour) permet d’illustrer l’existence de ces marges.

En 2007, un patient a assigné son chirurgien-dentiste et a obtenu la reconnaissance d’une faute lors d’une intervention ainsi que l’indemnisation de ses préjudices en découlant. Par la suite, il a décidé de faire rouvrir son dossier en aggravation, en raison de douleurs plus intenses. Le médecin expert désigné par le tribunal a retenu une aggravation de 0,5 sur 7 des souffrances endurées pour les fixer à 3,5 sur 7 au total. En première instance, le tribunal a fixé un montant d’indemnisation au titre de l’aggravation des souffrances. La cour d’appel a réduit drastiquement ce montant estimant à la fois que cette somme était trop élevée au regard des indemnités versées en 2007 et du taux d’aggravation fixé et que la victime ne contestait pas les conclusions de l’expert. Or, la Cour de cassation relève au contraire que la victime contestait bien ces conclusions et produisait à l’appui de nombreuses pièces soulignant l’intensité des douleurs. Dans ce qu’on appelle un arrêt de dénaturation, elle reproche à la cour d’appel d’avoir « dénaturé » les conclusions de la victime et casse l’arrêt sur ce point. La cour d’appel de renvoi doit donc désormais réexaminer les pièces du dossier et les demandes.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’une victime peut, lorsqu’elle n’est pas d’accord avec les conclusions d’un rapport d’expertise médicale définitif, apporter des éléments au juge afin de le convaincre que ces conclusions ne doivent pas être homologuées en l’état. En effet, le juge dispose de toute liberté pour s’émanciper des conclusions des experts judiciaires désignés pour l’éclairer.