Des détectives privés pour surveiller les victimes

FreeImages.com/Ove TøpferLe 25 février 2016, la 1re chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant. Il concerne l’usage d’enquêtes privées par les compagnies d’assurances. Cet usage s’est en effet développé ces dernières années, les compagnies espérant mettre en évidence des fraudes de la part des victimes.

Le cas étudié par la Cour de cassation est le suivant. Un artisan réparant un puits est blessé par l’effondrement de la charpente. Souffrant de « troubles de la locomotion », il demande une indemnisation à l’assureur du propriétaire du bâtiment.
L’assureur (Les Mutuelles du Mans assurances) décide de faire appel à une société de détectives privés afin de suivre cette victime et déterminer la réalité des troubles déclarés. Devant le juge, munie de quatre rapports d’enquêtes, la compagnie d’assurances conteste « la réalité de ces troubles ».
L’artisan demande le rejet de ces rapports au motif que la compagnie d’assurances s’est immiscée de façon disproportionnée dans sa vie privée. La cour d’appel ayant rejeté cette demande, il se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation lui donne raison en rappelant, au visa des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et de l’article 9 du code de procédure civile (qui dispose qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »). La Cour rappelle que « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».

La Cour désapprouve le fait que les « investigations » des détectives privés de la compagnie d’assurances se soient « déroulées sur plusieurs années, avaient eu une durée allant de quelques jours à près de deux mois et avaient consisté en des vérifications administratives, un recueil d’informations auprès de nombreux tiers, ainsi qu’en la mise en place d’opérations de filature et de surveillance à proximité du domicile de l’intéressé et lors de ses déplacements, ce dont il résultait que, par leur durée et leur ampleur, les enquêtes litigieuses, considérées dans leur ensemble, portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ».

On peut se réjouir que la Cour de cassation rappelle dans cette décision que les compagnies d’assurances ne doivent pas franchir certaines limites dans l’atteinte à la vie privée d’une victime. Toutefois on peut déplorer qu’elle ne condamne pas le recours aux services de sociétés de détectives privés. Ce type d’investigations est pourtant on ne peut plus sournois.