Lors d’un accident ou d’une agression, la victime peut ressentir une très forte angoisse lorsqu’elle réalise qu’elle va mourir. À quelles conditions les tribunaux considèrent-ils qu’il y a eu ce type d’angoisse de mort imminente et qu’il faut donc réparer le préjudice en découlant ? Cette question du préjudice d’angoisse est particulièrement d’actualité s’agissant de l’indemnisation des victimes des récents attentats. Trois arrêts rendus par la Cour de cassation fin 2016 permettent de préciser les contours de ce poste de préjudice d’angoisse de mort imminente.
Un premier arrêt rendu le 27 septembre 2016 par la chambre criminelle de la Cour de cassation souligne que le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état.
Quels sont les faits ?
Un couple est victime d’un accident de la circulation occasionné par un tiers et l’époux décède après une période de coma. Sa veuve demande l’indemnisation de ses préjudices en justice et notamment du préjudice d’angoisse de mort imminente de son époux pendant les heures de coma avant son décès.
La veuve estime que ce poste doit être réparé à hauteur de 150 000 €. La chambre criminelle de la Cour de cassation décide que « le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état ».
Voici le raisonnement de la Cour de cassation : Monsieur X. a été gravement blessé à la tête lors de l’accident de la voie publique, il a présenté un coma immédiatement et n’en est jamais sorti. Il est décédé 15 jours après « sans avoir jamais repris connaissance ». La Cour souligne que « les juges d’appel énoncent que ses ayants droit n’apportent aucun élément médical de nature à établir qu’à un moment quelconque au cours de cette période, M. X… aurait été en mesure de prendre conscience “d’une perte de chance de survie” ; qu’ils en déduisent que le préjudice allégué par ses ayants droit n’est pas démontré ».
Il appartient donc aux ayants droit de la victime décédée de rapporter la preuve de l’angoisse de mort imminente. L’existence du préjudice nécessite que la victime ait eu conscience de l’imminence de la mort.
Dans le deuxième arrêt (même chambre, même jour), le conducteur d’un véhicule est décédé quelques minutes après un choc frontal avec un autre véhicule. La Cour de cassation estime qu’il a subi un « préjudice d’angoisse d’une mort imminente » qui doit être indemnisé, car il a été « conscient dans les minutes qui ont suivi l’accident ». Les juges d’appel avaient aussi souligné que le défunt avait « eu la perception du caractère inéluctable de la collision, et ce dans les secondes qui l’ont précédée ainsi que de l’imminence de sa mort ». Il est ainsi tout à fait légitime de considérer qu’une victime ressent une grande angoisse juste avant qu’un accident ne survienne (à la vue d’une voiture qui va la percuter).
La dernière décision notable sur la question de l’angoisse lors d’un accident mortel concerne un dossier d’agression (Cass. 2e civ., 20 oct. 2016). Le 20 octobre 2016, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt concernant une femme tuée de plusieurs coups de couteau sur son lieu de travail. Ses ayants droit avaient sollicité deux indemnisations de la part d’une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), la première au titre du pretium doloris et la seconde au titre des dommages tirés de l’imminence de la mort et de la perte de chance de survie.
La Cour de cassation rappelle que « seul est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine ». Puis elle relève que « du fait de ses blessures, Mme Y… avait éprouvé une souffrance physique et morale et avait eu la conscience inéluctable de l’imminence de son décès ».
Ces décisions de la Cour de cassation relèvent d’une vision restrictive du préjudice d’angoisse, puisque pour justifier une indemnisation de ce poste de préjudice, elle vérifie que la victime a été consciente de son décès prochain immédiatement après l’accident ou l’agression. Il faut donc que la victime soit blessée mortellement et ai le temps d’en prendre conscience. Or, la définition mériterait d’être élargie comme l’avaient fait les juges d’appel de la deuxième espèce sus évoquée.