Collision train-voiture : est-ce un accident de la circulation ?

Flickr/cc/FrédéricBissonIl arrive qu’il y ait collision entre un train et un véhicule terrestre à moteur, occasionnant des blessures graves ou mortelles pour les occupants du véhicule. Dans un tel cas, sur quel fondement les victimes pourraient-elles être indemnisées ? Est-ce un accident de la circulation ?

L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 dite « loi Badinter » donne une définition de l’accident de la circulation comme celui dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur « à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». On serait donc tenté de penser que cette loi excluait la collision train-voiture des accidents de la circulation. Ce n’est pas si clair. Le problème réside dans la difficulté à qualifier les « voies qui sont propres » aux trains et tramways. En effet, les trains circulent sur des voies bien séparées que sont les chemins de fers mais sont amenés emprunter, tout comme les voitures, des passages à niveau. Quant aux voies sur lesquelles circulent les tramways, elles ne sont pas toujours séparées des autres voies de circulation publique.
Par le passé, la Cour de cassation a déjà estimé que lorsqu’un tramway traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route, il ne circule pas sur une voie propre. Mais depuis 1986, les juges suprêmes estiment qu’un train circule sur une voie propre même lorsqu’il franchit un passage à niveau.

Deux victimes d’une collision train-voiture à un passage à niveau se sont appuyées sur le raisonnement appliqué aux accidents tramway-voiture dans leur pourvoi, soutenant que le train qui traverse la chaussée à un endroit ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre car passage à niveau serait une aire de circulation ouverte à d’autres usagers. Dans ce dossier, lors de la collision, la conductrice est blessée et le passager décède. La jeune conductrice et l’épouse du défunt assignent la SNCF et la société Réseau de France en réparation de leurs préjudices.

Le travail des magistrats de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a donc consisté à déterminer si le train impliqué dans l’accident circulait sur une « voie propre ». Le 17 novembre 2016, la Cour de cassation a rappelé qu’une « voie ferrée n’est pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers pouvant seulement la traverser à hauteur d’un passage à niveau, sans pouvoir l’emprunter ». Pour la Cour, les juges d’appel ont eu raison de retenir que le train entré en collision avec le véhicule « circulait, nonobstant la circonstance que l’accident soit survenu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d’autres usagers, sur une voie qui lui est propre ». Par conséquent, la collision entre un train et un véhicule, même survenue à l’endroit d’un passage à niveau, ne pouvait pas recevoir application de la loi dite Badinter.

La Cour de cassation maintient ainsi sa position antérieure : un passage à niveau n’est pas une voie de circulation automobile et en cas de collision entre un train et une voiture sur un passage à niveau, il ne s’agit pas d’un accident de la circulation indemnisable dans les conditions de la « loi Badinter ».