Enfant accidenté : indemniser toutes les étapes de la vie future

FreeImages.com/jess lisUn accident modifie très souvent le parcours scolaire d’un enfant et va avoir un impact sur sa trajectoire future dans la vie active, et même après, à la retraite. Ces enfants accidentés sont parfois privés d’école puis, plus tard, de travail. L’indemnisation, qui ne sera souvent versée en totalité qu’après leur majorité, doit englober l’ensemble des préjudices pour respecter le principe de la réparation intégrale. S’agissant de certains postes, la question de l’évaluation peut se poser. Comment évaluer les pertes de gains professionnels, le préjudice scolaire et de formation, et l’incidence professionnelle chez un enfant ? Dans un dossier, les juges disposent d’éléments d’individualisation, fournis par la victime, pour évaluer l’écart entre ce qu’aurait pu être l’avenir scolaire, universitaire et professionnel de l’enfant victime et ce qu’il sera réellement.

Un arrêt rendu récemment par la 2e chambre civile de la Cour de cassation illustre le traitement de ces postes de préjudice. En 2002, une petite fille âgée de 6 ans est gravement blessée lors d’un accident de la voie publique. Son tuteur assigne la compagnie d’assurance du responsable de l’accident. À la suite d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion, elle s’est pourvue en cassation.

Trois éléments fondamentaux ont alors été rappelés par la Cour de cassation :

  • 1er point : l’évaluation de la perte de gains professionnels futurs d’un enfant se fait selon le salaire moyen et non le SMIC.

Pour la Cour de cassation, suite à son accident, la victime a « perdu toute chance de faire un cursus scolaire normal, de suivre une formation professionnelle et par conséquent d’exercer une activité professionnelle lui procurant des revenus ». Elle doit être indemnisée de l’impossibilité pour elle d’occuper un emploi rémunérateur. Or la cour d’appel avait limité l’indemnisation des pertes de revenus futures de la victime en prenant comme salaire de référence le SMIC, alors que la victime sollicitait une indemnisation sur la base du salaire moyen français. La Cour de cassation censure les magistrats de la cour d’appel, retenant que la victime « soutenait qu’elle aurait raisonnablement pu percevoir le salaire moyen en France de 1 800 euros mensuel selon l’INSEE ».

  • 2e point: la perte des droits à la retraite d’une victime mineure et ne travaillant pas lors des faits doit être indemnisée.

L’indemnisation de la perte de revenus professionnels après consolidation avait été calculée par la cour d’appel des 18 ans de la victime jusqu’à ses 65 ans. Or, l’indemnisation ne peut être limitée de la sorte, car la victime qui ne peut travailler subit des pertes de droits à la retraite. L’indemnisation doit se faire sur une « capitalisation viagère pour réparer la perte de ses droits à la retraite ».

  • 3e point : l’incidence scolaire n’est pas incluse dans le poste de perte de gains professionnels futurs.

L’accident ayant eu lieu alors qu’elle avait 6 ans, la victime demandait une indemnisation au titre de son préjudice scolaire, universitaire et de formation. Pour les magistrats de la cour d’appel, « son préjudice scolaire, universitaire ou de formation a déjà été pris en compte au titre de la perte de gains professionnels futurs ». La Cour de cassation estime que les magistrats de la cour d’appel ont violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. En effet, selon définition de la nomenclature Dintilhac (dont j’ai parlé ici), le préjudice scolaire, universitaire ou de formation « a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre, consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail ». Ce poste de préjudice est distinct de celui de la perte ou de la diminution de revenus dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.