Le tribunal de grande instance de Nanterre retient la défectuosité du Mediator®

PilulesLes juges du tribunal de grande instance de Nanterre ont rendu une décision le 22 octobre 2015, aux termes de laquelle ils ont :

  • retenu la responsabilité de la Société Les Laboratoires Servier, producteur, sur le fondement des produits défectueux, suite aux pathologies cardiaques développées par les demandeurs
  • condamné ladite Société à indemniser les victimes et leurs proches pour les préjudices subis.

L’affaire était complexe d’un point de vue juridique. Il appartenait aux victimes qui avaient développé des pathologies cardiaques de démontrer « qu’au moment où le Mediator a été prescrit, il présentait un défaut de nature à présenter un danger pour les personnes » et qu’au « regard des données scientifiques de l’époque et du rapport bénéficie-risque qui en était attendu, ce médicament n’offrait pas la sécurité à laquelle » elles pouvaient « légitimement s’attendre compte tenu notamment de l’information figurant sur la notice d’accompagnement ».


L’article 1386-4 du Code civil dispose en effet qu’un produit est défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » et précise : « Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. » De plus, le demandeur « doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». (article 1386-9 du même code)


Les juges ont suivi le raisonnement des avocats de demandeurs. Le dommage a été mis en évidence par le dossier médical des demandeurs et par les conclusions des rapports d’expertise médicale.

Le tribunal a estimé que le défaut du produit était établi car « ses effets cardio-toxiques liés à la présence de norfenfluramine étaient avérés et en ce que, au regard des données scientifiques de l’époque et du rapport bénéficie-risque qui en était attendu, ce médicament n’offrait pas la sécurité à laquelle [le demandeur] pouvait légitimement s’attendre compte tenu notamment de l’absence d’information figurant sur la notice ».


Quant au lien de causalité  entre le défaut et le dommage, la Cour de cassation admet que le demandeur puisse rapporter une preuve de ce lien de causalité par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes résultant notamment de l’absence d’antécédents médicaux et de la proximité temporelle entre la prise du produit et les premières manifestations de la maladie.


Les juges du tribunal de grande instance ont suivi ce principe et ont estimé ainsi qu’il existait bien de telles présomptions établissant le lien de causalité « direct et certain, entre la prise de Mediator et la pathologie ». La responsabilité des Laboratoires Servier est retenue car dès 2003, les « connaissances scientifiques ne permettaient pas d’ignorer les risques induits par le benfluorex […] la seule suspicion de ces risques obligeait le laboratoire producteur à en informer les patients et les professionnels de santé, notamment en les mentionnant dans la notice d’utilisation », conformément à l’article 1386-4 du Code civil.

L’affaire est à suivre, car il semblerait que Les Laboratoires Servier entendent interjeter appel de la décision.

Source : Dalloz Actualité (les jugements sont en ligne)