Accident de la circulation provoqué sans contact. Que vaut le témoignage de la victime ?

pixabay.com/Tama66Pour obtenir réparation d’un dommage, la victime d’un accident de la circulation doit rapporter la preuve de l’implication d’un véhicule, de son dommage et d’un lien de causalité entre les deux. La loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation est destinée à s’appliquer « aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorque et semi-remorque, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres » (article 1er) (voir notre précédent article discutant de la qualification en accident de la circulation pour une collision train-voiture).

Cette loi ne définissant pas la notion de véhicule « impliqué », la Cour de cassation l’a fait au fil de sa jurisprudence. Pour elle, l’implication est présumée lorsqu’il y a eu un heurt entre un véhicule et le siège du dommage. Toutefois une absence de contact n’exclut pas l’implication d’un véhicule dans un accident. En effet, un véhicule est impliqué quand il a joué un « rôle quelconque » dans la réalisation de l’accident ou est intervenu « d’une manière ou d’une autre » ou « à quelque titre que ce soit » dans l’accident. Dans ce cas comme dans le précédent, la charge de la preuve de l’implication d’un véhicule incombe à la victime.

Le 26 octobre 2017, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé  les principes fondamentaux du droit de la preuve à l’occasion d’un arrêt sur l’application de la loi du 5 juillet 1985. Dans cette affaire, une conductrice entreprend sur une autoroute de dépasser un véhicule légèrement décalé vers la gauche, mais qui n’empiète pas sur la voie de gauche. Le conducteur de ce véhicule fait-il un écart ? Les versions des protagonistes sont divergentes. Toujours est-il que la conductrice du véhicule dépassant prend peur, fait une mauvaise manœuvre et c’est l’accident. Cette conductrice, ses deux passagères et l’assurance de la conductrice assignent le conducteur du véhicule dépassé et son assureur en indemnisation de leur préjudice corporel et en remboursement des sommes versées aux victimes. La cour d’appel de Paris les déboute de leurs demandes, estimant que « la preuve de l’implication du véhicule conduit » par le conducteur assigné n’était « pas rapportée ».

Selon le pourvoi formé par la conductrice, les passagères et l’assureur, « un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu’il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation ». Mais la Cour de cassation approuve les magistrats de la cour d’appel, car « il incombe à celui qui se prévaut de l’implication d’un véhicule dans un accident de la circulation d’en rapporter la preuve ». Or, cette preuve n’est pas rapportée et c’est à bon droit que les juges de la cour d’appel avaient « constaté qu’aucun contact n’avait eu lieu entre les véhicules conduits par Mme X… et M. Y…, enfin, estimé, … que l’écart sur la gauche de M. Y…, contesté par celui-ci, que lui imputent Mmes X…, n’étant confirmé par aucun témoin ou élément matériel, n’était pas établi et que leurs seules déclarations étaient insuffisantes pour rapporter la preuve que le véhicule de ce dernier avait joué un rôle dans l’accident ».

En l’absence de contact entre le véhicule et le siège du dommage, les seules déclarations faites par la victime à qui incombe la charge de la preuve sont donc insuffisantes à établir l’implication d’un véhicule dans l’accident de circulation.