Bébé secoué : avancées médicales et judiciaires en 2015 (colloque)

Un colloque passionnant a été organisé les 12 et 13 novembre 2015, par l’Association France Traumatisme Crânien en partenariat avec l’École Nationale de la Magistrature de Paris, animé par des intervenants de grande qualité, spécialistes du syndrome du bébé secoué (SBS).

Tout d’abord, quelques notions sur le syndrome du bébé secoué, rappelées lors de ce colloque :

  • Un bébé secoué est victime d’un whiplash (coup de fouet). Il présentera des lésions osseuses (thorax, membres), ophtalmiques (hémorragies rétiniennes), cérébrales (hématome sous dural), rachidiennes.
  • Les auteurs du secouement sont en majorité des adultes, souvent le père, le beau-père, la mère ou la nourrice (ou l’assistante maternelle). Le secouement est souvent déclenché par les pleurs et l’auteur est dans une relation duelle avec enfant (seul avec lui).

Il n’y a jamais de témoin, ce qui :

  • montre bien que l’auteur a parfaitement conscience de la violence du geste, car en présence de témoins, il ne secouerait pas
  • rend difficiles les investigations policières

Les secousses violentes pratiquées stoppent les pleurs, et comme c’est le but recherché par l’auteur du secouement, il va recommencer dès que l’enfant pleurera. L’enfant victime de secouement est un enfant maltraité et le secouement est passible de poursuites pénales.

Voici maintenant, les précisions qui ont été apportées par les spécialistes du SBS :

Jean-Sébastien RAUL, professeur de l’Université de Strasbourg, a expliqué que le jeu était bien différent du geste de secouement. En effet, dans le cas du secouement, le geste effectué est violent et volontaire. Compte tenu de la violence du geste, dès la secousse, il y a une modification de l’état de l’enfant, qui arrête de pleurer, semble fatigué, est mou, a un regard changé, présente des troubles respiratoires, est pâle, vomit.

Caroline REY-SALMON, praticien hospitalier aux unités médico-judiciaires (UMJ) de l’Hôtel Dieu de Paris, a pour sa part souligné que bien souvent, des antécédents traumatiques figuraient dans le carnet de santé des enfants victimes du SBS. Or ces antécédents n’ont pas assez alerté les praticiens. Les médecins généralistes et pédiatres de ville doivent appliquer une « tolérance zéro dès lors qu’il y a des ecchymoses » ou des fractures « chez un tout petit » ne marchant pas. Ils doivent également être vigilants en cas de rupture dans la courbe du périmètre crânien.

Anne LAURENT VANNIER, chef du pôle « Médecine physique et de réadaptation » aux Hôpitaux de Saint Maurice, a insisté sur les retards de diagnostic du SBS en raison de la méconnaissance par les professionnels. Or, le SBS est le plus sévère des traumatismes crâniens de l’enfant, notamment en raison du jeune âge des victimes, du fait que les lésions cérébrales sont diffuses et qu’il s’agit de lésions répétées. Pour elle, il s’agit d’un réel « problème de santé publique » et les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur le syndrome du bébé secoué, vont être mises à jour par un groupe de travail constitué autour du docteur LAURENT VANNIER.

Le thème de « L’importance de la précocité du signalement » a été traité par Sylvain BARBIER SAINTE MARIE, magistrat. Ce dernier a rappelé que les professionnels de santé doivent procéder à un signalement en cas de suspicion de syndrome du bébé secoué, car plus le signalement est tardif, plus les chances d’aboutissement de la procédure sont compromises.

L’intervention de Mathilde CHEVIGNARD, médecin de médecine physique et de réadaptation aux Hôpitaux de Saint Maurice, a été consacrée aux séquelles de l’enfant victime de SBS. Ces enfants sont un « groupe à très haut risque ». Ils présentent un « devenir moins bon que des enfants ayant eu un traumatisme accidentel survenu au même âge ». Les déficits (épilepsie, retard psychomoteur, troubles comportementaux sévères, difficultés motrices fines, lenteur de traitement de l’information, troubles de la mémoire, difficulté de mémoire de travail, souci de concentration, perte de compétence sociale, troubles du langage…) de ces enfants apparaissant quand l’enfant grandit, en général entre 6 mois et 5 ans après le traumatisme.

A l’issue de ce colloque, il me semble important de souligner qu’il faut continuer la prévention, en informant les professionnels de santé qui passent parfois à côté du diagnostic du bébé secoué, mais également en sensibilisant les jeunes mères dès leur séjour à la maternité. Il faut impérativement protéger les enfants, qui sont vulnérables face à un adulte violent.